A corps perdus !

Voilà une expression bien à propos au sens propre comme au sens figuré, l’être humain « dans toute sa splendeur », l’être humain dans ses émotions…C’est une expression que l’on peut prendre au sens propre avec des corps qui sont en souffrance, isolés, criant …et au sens figuré, des personnes qui s’impliquent totalement, têtes baissées, avec fougue ou ardeur, sans crainte du danger.

Pourquoi je te parle de cela ? Car je suis allée voir l’exposition sur Ernest Pignon Ernest à la Fondation Leclerc de Landerneau. C’est un artiste magnifique, le connais-tu ?

Il dessine merveilleusement bien, sur de grands papiers, des humains à la pierre noire (un crayon à mine noire, sombre et mate à base d’ampélite) et/ou au fusain (branche de saule carbonisée), donc ses dessins sont noirs et blanc et très contrastés. Les ombres sont marquées et les corps sont ou drapés, ou dénudés, habillés, ou couchés, debout ou même portés par d’autres. On ne voit que les corps pour certains, pour d’autres les visages aussi criant ou en réflexion. Ils sont une splendeur. Ernest Pignon Ernest saisit l’être dans son abandon et sa souffrance.

Il place depuis 1970 ses images dans des lieux improbables, des murs, des ruelles, des impasses, des portes, fenêtres et soupirails … Les images sont vivantes, assaillent le passant, le bousculent, expliquent sans mot. L’artiste veut « rendre présent » toutes les résonnances qu’il met « à bras le corps », qu’elles soient symboliques, mythologiques, sacrées, anthropologiques ou politiques. C’est la réalité dans l’imaginaire, l’être et sa nature profonde. La rue est exposée, c’est la plus grande galerie du monde.

As-tu déjà vu ses images ? Tu peux en trouver sur Internet car c’est un artiste fort connu.

Par sa défense des oubliés de la société et par cette interpellation des piétons, il relate le corps et l’esprit. Il questionne l’humain et cela nous parle car nous le sommes, humains.

Nous avons tous des souffrances, nous sommes parfois en appel, en interrogation, nous pensons et vivons.

Souvent nous sommes drapés dans nos certitudes et nous n’ouvrons que peu notre esprit par peur. Nous souffrons en silence. Nous nous cachons derrière nos ordinateurs ou portables, derrière cette forme d’anonymat. Nous vivons tête en l’air, tête baissée, tête en arrière, tête rentrée…nous sommes seuls dans notre corps et notre tête et nous existons.

Nous pouvons nous isoler mais nous ne pouvons oublier que les autres sont comme nous. Chacun a son propre ADN mais nous avons les mêmes émotions, joies ou peines à des degrés différents.

Nous sommes des humains. Nous voulons souvent être ailleurs, vivre autre chose, ne plus souffrir, être toujours heureux…et nous courons…mais vers quoi ?

Nos regards sont évocateurs comme celui du Rimbaud de Ernest Pignon Ernest. Que cherchons-nous ? Que cherches-tu ?

Ressens-tu la même chose ?

Notre corps et notre esprit forment notre tout. L’un ne fonctionne pas sans l’autre et il ya tellement à dire sur l’être humain…Nos corps ne perdurent pas longtemps, ils sont vite perdus mais nous nous lançons à corps perdus dans la vie pour avancer. « Faire quelque chose de sa vie », en voilà une autre formule bien difficile à expliquer. Qu’est-ce que cela signifie ce « quelque chose » ? Nos têtes, et donc notre visage, pensent, communiquent, réagissent, ressentent, rendent compte, expriment, se tordent, sourient, vieillissent, vivent…alors vivons à corps perdus.

En accord avec les mots de ce blog tu peux cliquer sur l’œuvre « Hébétée »

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